Historiquement, il était admis que la simple mise en place d’un système de chauffage suffisait à répondre aux enjeux d’inconfort des logements. La notion d’économies d’énergie n’était pas à l’ordre du jour et la société d’abondance avait de belles années devant elle.
Le choc pétrolier de 1973 est cependant venu remettre en cause ces acquis. Un an plus tard, de la loi n° 74-908 du 29 octobre 1974 résultait la première règlementation thermique et toutes les constructions résidentielles furent dotées d’une isolation par l’intérieur des logements. L’ère de la consommation insouciante était définitivement révolue.
Identifiés par le ministère de la transition écologique comme une réponse concrète face aux enjeux de limitation des gaz à effet de serre (GES) et de réduction de l’utilisation de matières premières d’origine fossile, les matériaux biosourcés s’imposent progressivement pour aboutir en 2007 à un plan d’actions dédiées, destiné à comprendre les freins liés à la filière et permettre son développement. S’en suit en 2012 la création du label biosourcé destiné à valoriser l’utilisation des matériaux et produits biosourcés.
En 2015, l’article 14 de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte vient encourager l’utilisation des biosourcés lors d’opérations de construction ou de rénovation des bâtiments.
Ce contexte a favorisé l’émergence de plusieurs acteurs proposant à une clientèle de particuliers ou de professionnels ces matériaux issus du vivant. L’ALEC Sud parisienne a eu le privilège de rencontrer l’un d’eux, à la fois distributeur local d’isolants chanvre et négoce en matériaux de construction biosourcés.
Visite d’une chanvrière, Prunay sur Essonne (91)
Nous sommes reçus le vendredi 18 septembre par le responsable commercial de Gatichanvre, Delphin Pallu, qui a accepté de nous ouvrir ses portes.
Gatichanvre est une société créée en 2013 et dont l’activité consiste à défibrer la paille de chanvre pour obtenir ensuite ce qu’il convient d’appeler de la fibre de chanvre et de la chènevotte, deux éléments à partir desquels il est possible de fabriquer du papier, du tissu, des cordages ou encore, des isolants.
Comment la fibre de chanvre et la chènevotte sont-elles fabriquées ?
Avant d’obtenir et d’exploiter cette matière première, il leur est nécessaire de suivre un processus de transformation bien déterminé : La paille de chanvre (sous forme de ballots) est déposée puis découpée en tranche pour faciliter le processus de transformation. Le matériau arrive ensuite dans une ouvreuse dont l’objectif est « d’ouvrir la paille » en la cassant. De ce premier travail résulte l’apparition de la fibre de chanvre, située initialement dans l’écorce de la tige (représente 30% de la composition de la plante).
La paille est ensuite aspirée puis à nouveau travaillée à l’aide de rouleaux permettant de récupérer la fibre tout en laissant tomber la chènevotte qui en résulte. La fibre de chanvre obtenue est à son tour retravaillée une deuxième fois pour achever le travail de séparation avec la chènevotte et offrir une fibre de qualité. Cette dernière subira à son tour une opération de séparation de façon à distinguer les différentes qualités de chènevotte contenues dans la plante à l’aide d’un tamis de mutation. La chènevotte est comprimée, mise en bloc et emballée pour ensuite être distribuée.
Une solution compatible avec l’habitat : le mélange chaux-chanvre
Grâce au chanvre, différents enduits de finition existent et peuvent être appliqués. Ils présentent la particularité d’offrir un rendu esthétique ainsi que davantage de confort en hiver en captant l’humidité tout en permettant au mur composé d’un enduit chaux-chanvre de rester sec. Pour ce faire, la plaque de plâtre associée au mur doit être retirée et l’enduit chaux chanvre placé au contact du mur, ce qui permet de capter l’humidité et la conduire vers la paroi.
Cette solution est techniquement adaptée à un bâtiment collectif composé de pierre meulière et à la recherche d’une alternative à l’isolation thermique par l’extérieur pour préserver l’aspect du bâtiment. Toutefois, le coût financier peut dans certains cas s’avérer élevé et en empêcher l’application.
En revanche la performance énergétique de ce type d’enduit s’avère limitée. Actuellement, la résistance thermique de 8 cm d’enduit n’équivaut pas à plus de 1 m².K/W et induit une épaisseur de quasiment 30 cm pour ouvrir l’accès aux aides CEE. Son intérêt résidera donc davantage sur la capacité du mélange à réguler efficacement l’humidité au sein d’un logement ancien. Ce qui rend son applicabilité pertinente dans le cas d’une rénovation globale.
Les isolants biosourcés, des matériaux compétitifs ?
Rappelons qu’un matériau biosourcé peut être partiellement ou entièrement fabriqué à partir de matières d’origine biologique telle que la biomasse animale (ex : laine de mouton), par exemple. Cette appellation est aussi vérifiée lorsqu’un matériau est recyclé (ex : coton) ou qu’il est disponible localement.
C’est le cas en Essonne via les 950 Ha de cultures de chanvre produites par 70 agriculteurs et qui sont ensuite exploitées en première transformation par la chanvrière Gatichanvre. L’entreprise est ainsi en mesure de proposer des alternatives aux isolants classiques et présentant des performances indéniables pour assurer un confort d’été dans les logements avec des produits disposant d’une densité (Kg/m3) – Quantité de matière par kg – plus importante et favorisant ce dernier. Plus la densité d’un isolant est élevée, plus le matériau mettra de temps à diffuser la chaleur, ce qui garantit une température de confort optimale.
Étude des performances de la laine de chanvre / laine de verre
|
LAINE DE VERRE |
LAINE DE CHANVRE |
DESCRIPTION PRODUIT |
Composition : matières minérales et verre recylé (40%)Origine : – |
Composition : Nappage de fibres de chanvreOrigine : Essonne – 91 |
DENSITÉ (Kg/m3) |
15 |
40 |
EPAISSEUR (cm) |
24 |
24 |
CONDUCTIVITÉ THERMIQUE (m².k.W-1) |
0.035 |
0.040 |
RÉSISTANCE THERMIQUE (m².K.W-1) |
6.3 |
6 |
Capacité thermique* |
1030 |
1800 |
Déphasage (heures)** |
4 |
14 |
Coût / m² (fourniture) |
12 |
19 |
*Capacité thermique : Quantité de chaleur que peut emmagasiner un isolant. Plus cette capacité est élevée, plus la quantité de chaleur stockée par le matériau est importante.
**Déphasage : Temps que mets la chaleur à être restituée dans le logement.
Dans notre exemple, la laine de chanvre présente l’avantage d’avoir une densité presque 3 fois plus importante que celle de la laine de verre. Sa capacité thermique et son excellent déphasage lui permettent de garantir le confort d’un logement lors de canicules. La laine de verre est aussi légèrement plus performante en ce qui concerne le confort d’hiver avec une résistance thermique de 6.3 m².K.W. Son coût est également plus attractif (12€/m²) mais son déphasage est 3 fois plus faible que la laine de chanvre. La laine de verre aura davantage tendance à restituer rapidement la chaleur lors de périodes caniculaires.
Autre caractéristique à prendre en compte, la présence de sources polluantes telles que les composés organiques volatils qui peuvent avoir un impact sur la santé. Ces COV sont susceptibles de contenir un ou plusieurs des éléments suivants : hydrogène, oxygène, soufre, phosphore, silicium, azote, ou un halogène, à l’exception des oxydes de carbone et des carbonates et bicarbonates inorganiques.
Enfin, contrairement aux isolants traditionnels, les isolants biosourcés présentent l’avantage non négligeable de permettre la bonne diffusion de vapeur d’eau et de concevoir des parois plus perspirantes, donc d’évacuer l’humidité contenue dans le logement (l’isolant est complémentaire à un système de ventilation. Il ne peut en aucun cas s’y substituer).
Le coût et la qualité d’un isolant peuvent varier d’un fournisseur à l’autre. Pour réaliser une comparaison exhaustive et comprendre ce que l’on achète (Lorsque la copropriété envisage un ravalement avec isolation par l’extérieure par exemple), il sera d’abord nécessaire de vous assurer que l’isolant dispose d’une certification ACERMI puis de le comparer selon les contraintes auxquelles il sera soumis à l’aide du profil d’usage ISOLE.
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BIBLIOGRAPHIE
https://www.isonat.com/actualites/lhistoire-de-lisolation-dans-lhabitat
Guide matériaux biosourcés – Fédération française du bâtiment
https://www.isover.fr/produits/catalogue/panotoit-confort-soudable
https://www.biofib.com/biofib-chanvre/
https://www.build-green.fr/cov-ce-quon-ne-nous-dit-pas/
https://www.acermi.com/fr/isolation-batiment/choisir-bon-isolant/